samedi 14 février 2015

Chronique d'une semaine bien peu ordinaire, du 9 au 14 février 2015

Se rendre dans un petit village près de Melun pour y animer un atelier théâtre pour des lycéens.
Y passer une semaine hors du temps.
Apprécier ce moment décalé hors de la vie quotidienne, se dire qu’on est chanceuse malgré tout de pouvoir vivre de tels instants.
Se réveiller face à l’immense forêt qui s’étale devant notre fenêtre.
Découvrir en arrivant qu’un écureuil est notre voisin.
S’empresser de se lever chaque matin pour vérifier qu’il est toujours là.
L’apercevoir, confortablement installé sur la plus grosse branche du plus gros gros arbre juste en face de ma fenêtre.
Entamer sa journée en l’admirant quelques instants sautiller de branche en branche puis se glisser tête en bas le long du tronc pour rejoindre le sol, et y grignoter quelque friandise à lui seul destinée.
Apprécier ce rituel matinal.
Se dire qu’il va nous manquer lorsqu’on aura rejoint Bruxelles.
Se demander l’espace d’un instant s’il serait possible de faire vivre un écureuil en captivité sur sa terrasse.
Imaginer les babines retroussées et la gueule salivante du trio félin et y renoncer.
Se rendre au réfectoire prendre son petit-déjeuner.
Retrouver ses quinze élèves et leurs yeux brillants d’envie.
Se souvenir de ses premiers émois théâtraux, il y a tant d’années déjà.
Redécider, chaque matin, de leur donner le maximum, de se livrer à fond parce qu’on doit bien cela à ces trente yeux brillants.
Tenter de leur transmettre un peu de la passion que d’autres m’ont transmise lorsque j’avais leur âge.
Se persuader que l’avenir est là, dans ces regards avides, et non dans les catastrophes dont les médias, les réseaux sociaux et les amis adeptes de théories conspirationnistes aiment à nous abreuver.
Terminer la semaine émue aux larmes par cette bande de chiens fous si assoiffés d’apprendre.
S’en vouloir de n’avoir pas assez trouvé les mots pour les remercier de tout ce qu’ils m’ont apporté.
Quitter Melun vendredi soir, fatiguée, courbaturée, la gorge en vrac (se rappeler que le médecin nous avait conseillé de parler le moins possible durant la semaine pour soigner cette fichue angine et se dire que c’est raté) mais heureuse du travail accompli. 
Flotter entre deux eaux dans le train qui nous ramène à la civilisation.
Osciller entre la nostalgie déjà de cette semaine hors du quotidien, semaine durant laquelle on s’est sentie connectée à cette source d’énergie et de bonheur que peut être le théâtre, et le plaisir de retrouver bientôt son chez-soi, de retrouver Bruxelles, Compagnon Cuisinier et l’infernal trio miauleur.
Mais être obligée de passer quelques jours à Paris pour y régler des obligations administratives avant de rentrer à Bruxelles.
Arriver dans la Ville Lumière et s’y sentir bizarrement étrangère après y avoir pourtant vécu plus de dix ans.
Récupérer les clés d’un appartement prêté par un ami pour y passer ces quelques nuits de transit.
Débarquer dans l’appartement inhabité et glacial, et découvrir avec ravissement que le précédent locataire s’est cru autorisé à partir en emportant la couette et tout le linge de lit.
Passer la nuit seule emmitouflée dans son manteau.
Avoir l’impression de renouer avec les galères de quand on avait vingt ans, mais un peu moins jeune, un peu moins enthousiaste, un peu moins résistante…
Rêver d’avoir un jour les moyens de se payer un hôtel.

Décider, à défaut, de se payer un sac de couchage.

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