dimanche 22 février 2015

Chronique d'une triste nouvelle, 21 février 2015

Apercevoir un coin de ciel gris.
Écouter le bruit de la pluie qui tombe dans la cour.
Remonter sa couette sur le bout de son nez et s’accorder une grasse matinée.
Maudire les trois mots prononcés hier soir au téléphone par Père de mon fils et qui m’ont empêchée de dormir.
« Mélo est morte ».
Trois mot sans même un infinitif !

Remonter le temps.
Placer le curseur en ce mois de mai 2001.
Repenser aux vingt kilos supplémentaires qu’on traînait de la démarche de canard caractéristique des femmes enceintes (et se souvenir du regard désespéré de la gynécologue lorsque la balance afficha 36 kilos de prise de poids en fin de grossesse, mais c’est une autre histoire).
Mai 2001, donc.
Rentrer chez soi tenant à la main son premier « cadeau de naissance d’avant la naissance ». 
Déposer dans le salon le panier de transport caractéristique.
Ouvrir la porte. 
Encourager Boule de poils à sortir, petite chose toute blanche pas plus grosse que mon poing.  
Se regarder avec Futur père de mon fils (ou plutôt : avec Père de mon futur fils). « Comment l’appeler ? »
Entamer la liste des possibles noms.
Constater qu’il est bien plus difficile de trouver un nom pour un chat que pour un enfant.
Se réveiller au milieu de la nuit, tirée du lit par l’une des nombreuses causes d’insomnies des femmes enceintes.
Réveiller Père de mon futur fils et s'écrier : « Mélocoton ».
Éclater de rire en voyant son regard ensommeillé émettre des point d’interrogation.
« Mélocoton, nous allons l’appeler Mélocoton, ce sera un hommage à la chanson de Colette Magny que nous écoutons toujours dans la voiture, et puis ça veut dire pêche en espagnol, et les pêches sont recouvertes d’un fin duvet blanc, comme les poils de Mélocoton ! »
Se lever, aller vider sa vessie comprimée par Futur fils en profiter pour vérifier si Mélocoton nouvellement baptisée ne fait pas de bêtises, la trouver recroquevillée dans la bibliothèque derrière quelques volumes d’une encyclopédie de l’histoire mondiale, se recoucher, se rendormir sourire aux lèvres. 

Laisser défiler en accéléré les quelques mois qui séparent l’arrivée de Mélocoton en mai et celle de Fils adoré en septembre. 
Se souvenir qu’à cette époque, encore chaton, elle adorait se coucher sur mon ventre de femme enceinte, calée entre mon nombril et ma poitrine.
Se dire que la mémoire est sélective et qu’on oublie vite les bêtises à la chaîne. La jalousie qui la faisait pisser dans le berceau, l’aspirateur coincé sous la porte de Fils adoré nouvellement né pour qu’elle ne l’ouvre pas en sautant sur la poignée. 
Rire en se rappelant cette nuit où elle tenta tout de même de sauter pour ouvrir la porte et retomba sur le bouton marche de l’aspirateur qui était resté branché. 
Se demander encore aujourd’hui qui d’elle ou de nous eut le plus peur de ce vacarme dans la tranquillité de la nuit.
Évoquer le déménagement à Paris, Mélocoton devenue Mélo, tant en grandissant tout semblait devenir mélodramatique dans sa vie.
Revoir Mélo devenue adulte se livrer à son seul jeu : la chasse aux pigeons, qu’elle pratiquait en trois étapes : 1) sauter sur le rebord de la fenêtre. 2) Prendre la pause caractéristique du félin en chasse, une patte relevée et repliée sous le ventre, le corps ramassé prête à bondir. 3) Repartir en courant se cacher dans son armoire dès que le pigeon bougeait.
(Préciser : Mélo vivait dans une armoire. Elle y avait élu domicile et rien ne put la décider à dormir ailleurs, au point que Père de mon fils fabriqua une chatière dans la porte du placard pour lui permettre d’aller et venir à sa guise !)
Se demander encore aujourd'hui pourquoi à part ses croquettes, aucune nourriture ne trouvait grâce à ses yeux, pas même un morceau de poulet frais placé dans sa gamelle.
Mélocoton au caractère plus proche du cactus que de la pêche...
Mélo chat de placard, que rien ne stressa sinon l’œil torve de quelque pigeon.
Mélo dont Fils adoré disait quand il était petit « c’est ma sœur ».
Mélo qui resta vivre à Paris avec Fils adoré lorsque la vie me mena sous d’autre cieux.
Mélo qui me manquait souvent malgré le trio de félins qui peuple ma nouvelle vie. 
Mélo dont le cœur a lâché.

Réaliser qu’avec toi c’est tout un pan de ma vie qui s’en va.





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